Podcast, tendance passagère ou véritable outil marketing ?

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Si vous n’en avez pas encore entendu parler, peut-être vivez-vous sur une autre planète. Les podcasts sont, en effet, les médias stars de ces dernières années et leur succès ne fait que croître à travers le monde. Et en Belgique, on en est où ?

Pour le savoir, nous avons interrogé Joan Roels, un spécialiste des nouveaux médias et des podcasts. Journaliste, producteur, réalisateur et Fondateur de We Tell Stories et de Triangle Translations. Joan Roel est aussi membre du jury du Fonds pour le journalisme.

Avant de nous plonger dans cet univers passionnant, précisons que nous parlons ici des podcasts natifs exclusivement créés pour le web et non des formats de retransmission d’émissions radiophoniques ou visuelles également appelés podcasts.

Les podcasts natifs sont-ils de plus en plus populaires en Belgique ?

Les chiffres belges ne sont pas nombreux, mais on observe que les podcasts répondent à une demande du public qui se détourne de plus en plus de la télévision et de la radio. Ce format a particulièrement la cote chez les 25-39 ans qui recherchent du contenu à la demande, s’informent sur les réseaux sociaux et boudent les médias traditionnels.
Les podcasts s’inscrivent donc clairement dans la tendance du contenu accessible sur smartphone dit « ATAWAD » pour Any Time, Any Where, Any Device . Leur explosion suit d’ailleurs celle des smartphones. Si les dernières statistiques attestent de leur expansion, on est encore loin d’avoir atteint un plateau. Mais les podcasts sont de plus en plus populaires et le marché progresse chaque année.

Si les early adopters sont âgés de 25 à 39 ans, qu’en est-il des autres segments de la population?

Sur un plan technique, un podcast c’est un peu comme un blog. Sauf que ce fichier audio est mis à disposition sur une ou plusieurs plateformes et se met à jour quand il y a un nouvel épisode. Un podcast doit être hébergé sur une plateforme, c’est un passage obligé (Apple podcast, etc.), mais Spotify est en train de changer la donne. Il n’a d’ailleurs pas hésité à changer de nom en devenant Spotify Music & Podcast. Youtube, en mettant récemment en place une vaste campagne pour attirer les podcasteurs, entend aussi changer la donne en proposant des podcasts aux personnes qui n’ont pas le réflexe d’aller sur Spotify mais qui écoutent leur musique sur Youtube. Ce qui veut dire que tous les segments de la population vont progressivement écouter des podcasts, c’est une question de temps.

Le podcast est-il en train de détrôner la vidéo qui jusque-là dominait le marché ou va-t-il la complémenter ?

Le podcast ne va pas concurrencer la vidéo, il va la complémenter en effet. Tout comme la radio d’ailleurs. En fait chaque fois qu’un nouveau média émerge, les autres ne disparaissent pas pour autant, ils lui cèdent juste un peu du terrain. Ces formats différents vont donc co-exister avec leurs spécificités.

Aujourd’hui on voit bien que les podcasts de 20 min, qui visent à atteindre un grand nombre de personnes, cartonnent parce que leur timing est parfait. Il correspond exactement au temps de consommation consacré à préparer à manger, à se déplacer en transport en commun, etc. Le podcast est un média de l’intime qui permet de jouer sur l’imagination et les sens et crée un lien fort entre le présentateur et le public. Ce qui s’apparente au phénomène de starification que l’on retrouve dans les vidéos. Un public s’identifie à un présentateur, mais cette fois par le biais de la voix. De plus, c’est un format accessible à un grand nombre de personnes, il est facile à mettre en œuvre et est moins cher que la vidéo.

 

 

Le podcast, une nouvelle expérience sensorielle, intime et juste pour soi ?
Oui et c’est aussi un média qui se consomme n’importe quand et n’importe où : en cuisinant, en s’endormant, en travaillant même. C’est ce qui le rend très attractif.

Le podcast représente-t-il une façon de se couper un peu des écrans ?

Oui sans doute. On passe énormément de temps chaque jour sur les écrans et le podcast est peut-être un format qui offre une consommation différente sans solliciter les yeux, c’est évident. Faire deux choses visuelles en même temps est impossible. Tandis qu’écouter quelque chose et laisser voguer son imagination en faisant autre chose est tout à fait réalisable.

On me demande souvent s’il y a une différence entre le podcast et la radio ? En fait, il n’y en aucune. Même si la radio offre des formats différents et impose certaines contraintes publicitaires, le podcast n’a rien d’innovant. Il utilise les mêmes techniques que la radio pour raconter et structurer son histoire. Là où il marque une différence, c’est dans la façon d’amener l’histoire et de traiter le thème. Et d’ailleurs sur un plan statistique, il est intéressant de noter que les auditeurs de podcasts ont une écoute très active même en mangeant parce qu’ils ont un lien très intime avec l’auteur (présentateur ou hôte). Ce qui est très intéressant pour les annonceurs. Alors que les auditeurs utilisent la radio plutôt comme un outil passif … en fond sonore.

 

L’auditeur fait un acte d’engagement en choisissant d’écouter ce podcast parce qu’il lui plaît. Il s’engage, crée et construit une communauté.

 

C’est ce qui en fait un outil Marketing ?

Pas seulement ! C’est un outil marketing intéressant parce que les personnes qui écoutent les podcasts s’engagent. Mais c’est surtout un format qui arrive au bon moment parce que les gens déconstruisent le modèle des médias traditionnels. Ils ont envie d’écouter « quelque chose qui les touche » et sont prêts à accepter que ce soit sponsorisé ou soutenu par une marque pour peu que ce soit transparent !
Il s’agit donc de ne pas faire n’importe quoi dans un podcast. Il faut, par exemple, éviter de diffuser une page de pub dans un podcast corporate ou marketing, même si c’est une bonne source de revenus publicitaires. En Belgique, on sait que cela ne fonctionne pas parce que le pays est trop petit.

Par contre, les auditeurs acceptent le sponsoring, quel qu’il soit, pour autant que ce soit clairement dit au début du podcast et négocié avec le présentateur. Ce lien doit être transparent et honnête.
Un exemple marquant aux USA : il existe des podcasts de 1h30 dans lesquels les 3 premières minutes sont consacrées à ce que propose une marque. Le contrat est clair. Et à vrai dire, depuis des décennies, ce type de sponsoring fait partie des productions télévisuelles (le présentateur est habillé par …, etc.), mais c’est affiché très discrètement. Alors que dans les podcasts, la démarche se veut assumée. C’est neuf pour les marques, mais elles doivent s’y habituer. Et celles qui jouent déjà le jeu rencontrent le succès.

Qu’est-ce qui motive le public à supporter la publicité dans les podcasts : la gratuité ou l’engagement?

C’est plutôt par engagement que par rapport à la gratuité que l’auditeur arrive dans l’univers du podcast. La gratuité de l’info n’est plus une question aujourd’hui ! L’ère de tout gratuit s’est installée et les gens ont d’ailleurs du mal à payer 15€ pour un média ou un abonnement à un quotidien en ligne. C’est donc bien l’engagement qui prime.

Pourquoi les entreprises doivent-elles réfléchir à miser sur les podcasts en 2022 ?

Une entreprise qui crée son podcast doit réaliser qu’elle crée son propre média et construit sa communauté et que cela ne peut s’envisager que dans un objectif à long terme.
Inutile de le faire pour s’arrêter après 5 ou 10 épisodes !
Un podcast qui fonctionne repose sur un équilibre précaire entre la qualité du présentateur (s’il est connu la portée est plus grande et plus rapide bien sûr) et le contenu. Un podcast qui propose un chouette contenu et qui est présenté par un inconnu va se construire, petit à petit, et de manière organique.
Le podcast doit donc être réfléchi sur le long terme, par les entreprises, et si possible être intégré dans une campagne globale.

L’annonceur a-t-il intérêt à sponsoriser certains épisodes d’un podcast existant liés à son contexte plutôt que de vouloir, à tout prix, créer son propre podcast ?

Tout dépend de ses objectifs. Il peut soutenir un podcast existant, c’est le modèle principalement développé en France où, de saison en saison, le même podcast est sponsorisé par différentes marques. Mais cela suppose une mise en relation de l’annonceur avec un podcast ad hoc via une régie. Ce qui n’existe pas encore en Belgique … mais ça ne saurait tarder.
L’annonceur qui choisit de lancer son podcast a intérêt à le faire sur une thématique spécifique très forte, comme le fait Décathlon sur le sport par exemple, pour cibler une audience très large et permettre le sponsoring d’une multitude de sujets. C’est niche, mais l’impact est plus fort !
Il ne faut pas faire un podcast parce que c’est tendance. Il faut réfléchir aux objectifs !
Si l’annonceur investit dans un podcast, il doit savoir ce qu’il veut en retirer.

 

Un podcast, c’est comme une page Instagram ou Facebook :
une communauté à gérer et à entretenir.
Qui crée un compte Instagram juste pour publier 10 posts ?

 

Selon une étude 60% des auditeurs de podcasts recherchent un produit après en avoir entendu parler dans un podcast.*C’est vrai pour la Belgique aussi ?

Oui c’est vrai pour la Belgique aussi. Les niveaux d’engagement sont très élevés dans les podcasts surtout quand le contrat entre le présentateur et l’annonceur est clair et quand il existe un lien de confiance fort entre le présentateur et le public. Dans ce cas « ça fonctionne » parce que la communauté est active et promeut le podcast. Le présentateur fait en quelque sorte office d’influenceur vis-à-vis de sa communauté en négociant ce qu’il fait entrer ou non dans son propre podcast. Il s’agit d’un contrat !

Existe-t-il une spécificité belge dans les podcasts produits ?

En Belgique, on est un peu à la croisée des chemins. Du côté francophone, les sujets sont souvent très intimes, engagés et transparents. On a le droit de dire moi « je milite pour ça » et je fais un podcast qui, d’un point de vue journalistique et déontologique est vrai, mais qui part de mes convictions personnelles. C’est un mouvement très fort en France aussi.
Du côté néerlandophone, le contenu est davantage axé sur le modèle anglo-saxon avec des interviews et des talks. Si bien qu’au bout du compte, on est en train de créer un mix avec un panel énorme de créations qui vont d’une discussion autour d’un verre à un podcast en solo sur la sexualité ou l‘alimentation. Les enjeux sont infinis !

Un même podcast en français et en néerlandais, cela a-t-il du sens ?

On peut tout à fait dupliquer un modèle pour correspondre à une audience nationale. Cela se fait assez naturellement d’ailleurs. Tous nos podcasts bilingues ont une structure commune, les hosts sont différents (un NL et un FR) et sont hébergés par contre sur des plateformes séparées. Tout dépend des objectifs de l’annonceur en fait. Mais un podcast peut très bien n’exister aussi que dans une seule langue.

En tant qu’entreprise vaut-il mieux s’adresser à des spécialistes en communication ou se lancer seule?

Il vaut mieux s’adresser à une entreprise spécialisée en communication ou en podcast qui peut ensuite favoriser une certaine autonomisation chez son client. L’entreprise doit comprendre qu’il est difficile de tout savoir faire en interne : produire du contenu, enregistrer, monter, mixer, promouvoir, créer le graphisme, etc. Tout le monde ne peut pas être journaliste, ingénieur du son, mixeur ou graphiste. Ceux qui décident d’embrasser l’aventure nous demandent souvent une encadrement pour les aider à créer leur propre podcast : développer le projet, créer la structure du podcast, mettre le matériel en place, réaliser la postproduction, etc. Le podcast est un vrai travail de communication !

Pour conclure, un piège à éviter et un avantage à retenir ?

Le piège à éviter en tant qu’entreprise : trop vouloir contrôler le contenu !
Si le public sent que le podcast est trop corporate ou institutionnel, il y a danger.
Il faut apprendre à déconstruire sa prise de position parce qu’il s’agit d’un exercice éditorial à élaborer en commun en acceptant que tout le contenu ne soit pas parfait. Certes il y a des enjeux pour toutes les marques, mais le public n’est plus près à l’entendre de cette oreille.
Rester crédible, naturel, humain et authentique est crucial pour construire la confiance.
L’authenticité est le moteur de la communauté et un enjeu du futur pour toucher le public ciblé.

 

Il faut toujours se rappeler qu’un podcast est un media et qu’un contenu qui suit une ligne éditoriale n’est pas un publi-rédactionnel.

 

L’avantage à retenir : le côté humain du podcast!

C’est ce qui a longtemps manqué aux communications traditionnelles.
En se détachant du visuel et se focalisant sur l’audio, le podcast fait appel à l’imaginaire et permet à l’humain de transposer ce qu’il entend et ce qu’il ressent à sa façon. Le podcast est très intimiste quel que soit le sujet. Le son permet aussi énormément de créativité.
C’est un terrain de jeu passionnant et on n’a pas fini d’entendre parler des podcasts !

* source : Hubspot
Categories : DigitalinterviewNon classifié(e)